enquête
Émilien Robin : Le maçon espagnol
Sur l’île de Nantes, l’ambitieux projet de transformation des friches industrielles mené dans un premier temps par Alexandre Chemetoff à l’aide de son « plan guide », laisse place depuis quelques années à un urbanisme opérationnel plus banal. L’histoire d’un bâtiment construit là par une entreprise espagnole pour un client montpelliérain illustre les conditions d’exercice rencontrées de plus en plus fréquemment par les architectes confrontés aux marchés privés.
fiction
Stéphanie Sonnette : Retour à Athéna Port
À l’automne 2014, quelques pages de ce qui ressemblait à un journal intime ont été retrouvées dans l’anfractuosité des rochers, au pied de la résidence de vacances Athéna à Bandol. Après analyse et expertise graphologique, il ne subsiste aucun doute quant à l’identité de leur auteur, l’architecte Jean D., mort quelques années auparavant. La confusion du texte ne permet malheureusement pas de dater précisément ces feuillets.
débat : La fin du bureau ?
Parce que ses outils (l’informatique, Internet et ses réseaux) et son objet
(activités de services dématérialisés, net economy) changent, le travail se trouve aujourd’hui
littéralement disloqué. Ses lieux ont depuis longtemps débordé le cadre du « bureau »,
rompant avec la mythologie qui lui était associée : la « vie de bureau », avec sa
hiérarchie, ses rituels, son expression de soi, souvent moquée dans la littérature.
Même
l’aménagement en open space, privilégié à partir des années 1950 pour ses vertus de rentabilisation de
l’espace, de facilitation des interactions entre les salariés autant que de leur surveillance
mutuelle, semble dépassé au profit d’une multiplication d’espaces de co-working disponibles dans
les lieux les plus divers. Pour leurs sièges sociaux, les grandes entreprises
multinationales n’érigent plus forcément d’étincelants gratte-ciel dans des quartiers d’affaires denses,
mais se déploient horizontalement en des complexes plus fragmentés, noyés dans des campus arborés (comme
celui de Novartis à Bâle), parfois suburbains, mais intériorisant toutes les fonctions urbaines des
villes qu’ils ont désertées.
Ludiques, familiers, presque domestiques, ces environnements
brouillent la frontière entre vie privée et vie professionnelle et survalorisent
la convivialité et la créativité, que les entreprises convertissent immédiatement en
« communication interne », « innovation » et « performance ». Dans son
documentaire Ein neues Produkt, le cinéaste allemand Harun Farocki montre
que ce retrait de l’architecture en tant qu’outil d’expression et d’organisation du travail correspond à
la montée en puissance d’un management plus insidieux, qui soumet l’individu à une architecture
invisible dont l’emprise est redoutablement efficace.
visite
Flavien Menu : Novartis, froide oasis
Le campus des laboratoires pharmaceutiques Novartis à Bâle est célèbre pour son parc de bâtiments luxueux conçus par quelques-uns des architectes les plus en vue du moment. Pénétrer dans ce fleuron des nouveaux univers tertiaires n’est pas chose aisée. Cette incursion dans les murs, dans l’histoire et dans le fonctionnement de la firme éclaire les stratégies sous-jacentes à la construction de la vitrine du géant pharmaceutique.
lecture
Ariane Wilson : Le manteau de l’huître
Dans son documentaire Ein neues Produkt (2012), Harun Farocki sonde l’univers des grandes entreprises et met en évidence les nouvelles idéologies qui président à la construction et à l’aménagement de leurs bureaux. Le film révèle la puissance de ces discours qui substituent aux bâtiments une architecture invisible pour organiser les formes délocalisées et immatérielles du travail contemporain.
pièce jointe
Entretien avec Behnisch Architekten
Toile de fond des films Ein neues Produkt et Work Hard – Play Hard, le bâtiment qui abrite le siège d’Unilever à Hambourg a été dessiné par l’agence Behnisch Architekten en 2006. Ses architectes font part ici de leur point de vue sur les espaces de travail contemporains.
album
Martin Étienne : Sept jours ouvrables
Typologies des nouveaux espaces de travail
anthologie
Bureaux de papier
H. de Balzac (1839), G. Courteline (1893), L.-F. Céline (1932), R. Musil (1932), G. Orwell (1984), A. Cohen (1968), D. DeLillo (1971), T. Wolfe (1987), M. Houellebecq (1994), H. M. van den Brink (1999), J. G. Ballard (2000), Ph. de Jonckheere (2002), J.-L. Debry (2014)
recherche
Patrick Keiller : Le cinéma comme critique de l’espace
L’examen minutieux des films réalisés au tout début du XXe siècle — par exemple, ceux des frères Lumière — révèle combien les villes européennes ont été transformées par le capitalisme industriel. Mieux encore, cette exploration cinématographique invite à une surprenante critique des espaces urbains contemporains.
éclairage
Joachim Lepastier : Patrick Keiller, à la recherche du visible
décodage
Thierry Lévy : Diagradramathématiques
correspondance
André Tavares : Lettre de Porto
Personnifiée par ses deux grands maîtres, Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura, l’architecture portugaise jouit d’une forte aura. Sur le terrain, à Porto notamment, la crise économique a pourtant fortement ébranlé la profession, et c’est loin des projecteurs que les architectes peuvent aujourd’hui trouver des raisons d’espérer.
revue semestrielle de critique d’architecture